Le Député congolais Constant Mutamba qui a récemment fait part d'une proposition de loi visant à condamner l'homosexualité en République démocratique du Congo vient d'être nommé Ministre de la Justice.
La nomination du Député national a de quoi inquiéter et étonner les activistes et défenseurs des droits humains tant en RDC qu'à l’extérieur du pays. En effet, monsieur Mutamba a annoncé en avril dernier qu'il projetait de proposer un projet de loi portant sur la criminalisation de l'homosexualité. Cette proposition stipule notamment la condamnation des personnes issues de la communauté LGBTQI+ à une peine d'emprisonnement allant de 5 à 10 ans de prison et une amende de 7500000 à 15 000000 de Francs congolais. De plus, elle souligne que les faits et les gestes assimilés à l'homosexualité seront punis de la même peine que l'acte consommé. Dans sa proposition de loi, Constant Mutamba rappelle le fait que cette forme d'orientation sexuelle n'est nullement toléré dans la culturelle congolaise. Ainsi, il propose qu'une section réprimant l'homosexualité soit insérée dans le Code Pénal congolais.
Constant Mutamba |
D'aucuns se demandent si la nomination du Député Mutamba aurait quelque chose à avoir avec sa proposition de loi. Ce fait est inquiétant car depuis un certain temps il y a de plus en plus de déclaration à caractère homophobe envers les personnes LGBTIQ+ en RDC et surtout à Kinshasa, la capitale. Cette situation a été amplifiée après le feu-vert donné par le Pape François le 18 décembre 2023 pour la bénédiction des couples homosexuels. Depuis cette date, les religieux congolais et certaines personnalités de la société civile ont élevés leurs voix pour montrer leurs oppositions. D'après eux, un tel acte est contraire aux valeurs congolaises et africaines.
Il faut noter que la constitution de la RDC est muette en matière d’homosexualité. La proposition du Député Mutamba pourrait constituer un obstacle à la liberté des individus sur l'ensemble du territoire congolais. Elle renforcera aussi la discrimination et la stigmatisation dont sont déjà victimes les personnes LGBTIQ+ dans ce vaste pays. Elle serait aussi à long ou à court terme un frein à la lutte contre le VIH car les personnes issues des minorités sexuelles font partie intégrantes de ce combat. D'ailleurs, plusieurs étapes positives ont pu être atteintes en matière d'accès aux soins depuis 2014.
La vague des propositions des lois visant à criminaliser l'homosexualité s'est multipliée ces dix dernières à travers le continent africain. Tous les auteurs de ces projets avancent que les relations sexuelles entre deux hommes ou deux femmes sont contraires aux traditions africaines et constituent une menace pour la famille. Un autre point soulevé est le fait que l'occident dont la majorité des pays a décriminalisé l'homosexualité essaie d'imposer cette forme de relation à l'Afrique. D'ailleurs, l'actuel Premier Ministre sénégalais, Ousmane Sonko a déclaré lors d'un récent discours que l'activisme des occidentaux en faveur des minorités sexuelles pouvait devenir une source de tension entre les dirigeants européens et africains. De ce fait, Monsieur Sonko a demandé aux occidentaux de respecter les spécificités du Sénégal et d'autres pays. Il faut savoir que dans cet État de l'Afrique de l'Ouest, l'homosexualité est largement considérée comme une déviance et la loi la réprime d'un emprisonnement allant d'une à cinq année de prison. En Ouganda, le président Yoweri Museveni a promulgué le 29 mai 2023 une loi anti LGBTQI+ prévoyant de lourdes peines de prison pour les relations homosexuels et toute activité faisant "la promotion" de l'homosexualité. Désormais, les sanctions peuvent aller de 20 ans d’emprisonnement pour tout action visant à promouvoir des rapports intimes entre personnes de même sexe jusqu'à la peine de mort pour les cas de récidives. Selon l'association de défense des Droits LGBTQI+ ILGA World, 31 pays africains sur 54 disposent des législations interdisant ou réprimant l'homosexualité.
Pour rappel, Constant Mutamba n'est pas le premier à faire une proposition de loi visant à condamner l'homosexualité en RDC. En 2013, un autre Député national du nom de Steve Mbikayi avait proposé un projet dans le même sens au parlement mais il n'a jamais été voté. Fait surprenant, monsieur Mbikayi a été nommé Ministre de l’Enseignement Supérieur et Universitaire en 2016. Depuis, il occupe des hautes fonctions politiques. En 2010, un autre Député national, Ejiba Yamapia, avait aussi initié sans succès un projet de loi pour pénaliser aussi l'homosexualité en RDC.
JW