L’Échangeur de Limete à Kinshasa |
Communauté ignorée il y a quelques années, les homosexuels congolais attirent aujourd’hui l’attention des journalistes, des photographes et des chercheurs étrangers. Ce fait n’a pas laissé indifférent Thomas Hendriks, chercheur de 33 ans et Professeur Assistant à l’Université de Louvain en Belgique.
Une vue de la ville de Kisangani avec la Mairie et le fleuve |
Depuis 3 ans déjà, ce jeune
anthropologue mène une étude sur l’homosexualité dans deux villes congolaises,
à savoir : Kinshasa et Kisangani. Selon lui, il a été très étonné par ce
qu’il a découvert car certains membres de la communauté gay et même l’ensemble
de la population LGBTI de la capitale, par exemple, osent quand même s’afficher
malgré une homophobie qui peut être virulente.
Le chercheur a noté que les
minorités sexuelles en général et les homosexuels en particulier ne sont pas
toujours victimes des réactions négatives dans les lieux d’ambiances comme les
bars, les boites de nuit et les autres espaces de détente. Ce cas est surtout visible à Kinshasa qu’à Kisangani
car la capitale est plus grande et dispose de plus d’endroits pour se
divertir. Toutefois, l’anthropologue tient à préciser que si les
homosexuels sont tolérés sur les lieux d’ambiance, cela n’est pas le cas au sein
de la famille.
Kinshasa, les boites de nuit sont pour la plupart gay friendly |
En effet, comme nous l’a fait
remarquer Thomas Hendriks, la plupart des homosexuels ne sont pas acceptés dans
leur famille au Congo. Pour éviter le
rejet de la part de leurs proches, beaucoup d’entre eux vivent leur orientation
sexuelle en cachette. La pression faite par la famille amène d’ailleurs
certains homosexuels à se marier pour être en conformité avec la société
congolaise. Toutefois, le chercheur Belge a relevé le fait que ceux qui
prennent une femme pour épouse ne le font pas nécessairement parce qu’il y a
une pression venant de leurs parents. Certains, a-t-il ajouté, expriment eux
même le désir de se marier et d’avoir des enfants. En tant qu’anthropologue, le
Professeur Assistant voit en cela un souci de vouloir se conformer aux traditions.
Le cas le plus étonnant que le
chercheur a épinglé durant cette étude
est le fait que beaucoup de personnes
que ça soit à Kinshasa ou à Kisangani ne se reconnaissent pas comme homosexuel
ni même comme bisexuel bien qu’ils ont des rapports sexuels avec les
partenaires de sexe identique. Pour
Thomas, ce comportement est une forme de non culpabilisation par rapport à
l’acte sexuel posé. Cela l’a conduit à dire que l’homosexualité en RDC peut
être perçue plus comme une pratique qu’une orientation sexuelle.
"L'homosexualité peut être perçue plus comme une pratique qu’une orientation sexuelle " |
A travers son étude qui n’est
certes pas exhaustive mais revêt une importance capitale, monsieur Hendriks
nous permet d’en savoir un peu plus sur une communauté qui a longtemps vécu
dans l’ombre. Le chercheur a commencé son travail par la capitale Kinshasa où
il n’a pas eu beaucoup de difficulté pour
rencontrer les homosexuels via les différentes associations qui les
regroupent à travers la ville. L’idée de
faire une étude sur l’homosexualité en RDC est venue à Thomas suite au constat qu’il n’y avait pratiquement
aucun travail scientifique sur ce sujet pourtant d’actualité depuis quelques
temps. Le chercheur a, ainsi, décidé de
faire un projet de 4 ans montrant l’intérêt d’une telle recherche. L’idée tombait au bon moment d’autant plus
que l’Afrique faisait, notamment, la une de
l’actualité suite à une vague de lois homophobes qui étaient en voie d’être
votées dans certains pays. D’ailleurs,
la RDC n’était pas épargnée car entre 2010 et 2013, deux projets de loi ont été
déposées à l’Assemblée Nationale. Ces actes juridiques visant à interdire
l’homosexualité sur l’ensemble du territoire congolais avait poussé la presse
internationale à s’intéresser aux
minorités sexuelles vivant dans ce vaste pays. L’organisation des personnes
LGBTI en différentes associations en vue de s’opposer aux projets de loi anti gay a aussi contribué
à pousser les médias externes à parler d’eux. Avant cela, les rares articles consacrés aux
gays et aux autres minorités sexuelles dans la presse congolaise ont toujours été
relatés sous un aspect négatif et insolite qui ne peut que favoriser l’hostilité
envers eux.
Thomas Kendriks va poursuivre ses
recherches pendant encore une année sur la communauté homosexuelle congolaise.
Débutée en 2013, cette étude pendra fin en 2017 et sera sans nul doute la
première étude du genre à être réalisée sur la RDC.
Article rédigé par Justice Walu