Être lesbienne à
Kinshasa n’est pas une chose facile car il y a trop de préjugés autour des
relations intimes entre deux personnes de même sexe. Tout comme les gays, les
femmes homosexuelles sont assimilées à des sorcières ou des malades mentales.
Malgré cette hostilité, certaines arrivent à céder à leur passion amoureuse et
à vivre leur relation au grand jour. C’est le cas d’Aline et Katia qui ont bien
voulu partager leur bonheur avec nous.
Aline et Katia sont
deux femmes lesbiennes qui ont su braver les interdits de la société. En couple
depuis une dizaine d’années, elles vivent
sous un même toit dans un quartier populaire de Kinshasa.
« Nous n’avons pas eu peur de suivre nos sentiments » a précisé
Aline. Divorcée, elle est militaire et mère de quatre enfants. Katia, sa
compagne, est veuve et a un fils qui ne vit pas avec elle. Dans leur foyer, les
deux femmes partagent leur existence avec les enfants d’Aline. Cette dernière
est « l’homme » de la maison car c’est elle qui commande et ramène
l’argent. Katia est la femme dévouée à sa compagne pour laquelle elle cuisine
quotidiennement à manger. Leurs familles
et leurs entourages sont au courant de leur vie de couple mais les deux
lesbiennes ne tiennent pas compte de ce qui se dit sur elles.
La place Victoire à Matonge dans la commune de Kalamu. L'un des quartiers populaires de Kinshasa |
« Nous n’avons pas eu peur de suivre nos sentiments »
Les deux femmes se sont
rencontrées au lycée alors qu’elles n’avaient que 12 ans. C’était dans les
années 80 à une époque où le phénomène carine faisait des ravages au sein des
écolières. En effet, le mot carine sous entendait une relation entre deux
jeunes filles élèves dont l’une était souvent plus âgée que l’autre ou était
plus dominatrice envers l’autre. En dominant sur l’autre, elle jouait un rôle
de protectrice et de guide. Apparu dans les dortoirs pour filles des internats,
ce phénomène s’étendra dans les lycées et autres écoles. Ce qui était au départ
une simple relation amicale entre deux filles va petit à petit prendre de
l’ampleur et devenir une vraie histoire amoureuse pour certaines d’entre elles.
Vers la fin des années 80, les autorités des écoles et les parents commenceront
à dénoncer ces relations et petit à petit le phénomène carine disparaitra. Pour
Aline et Katia, leur amour ne s’éteindra pas pour autant car elles continueront
à s’aimer au delà du lycée avec la bénédiction de la sœur ainée de Katia.
Celle-ci, voyait en cette relation plus une amitié entre sa petite sœur et Aline.
« Je ne trouvais pas de satisfaction avec un
homme »
Une fois devenue
adulte, chacune fera ce qui est comme une obligation dans les sociétés
africaines, c’est-à-dire, elles vont se marier et fonder une famille. Mais,
elles ne seront pas heureuses dans leurs foyers. Aline ne supportait par le
fait d’être une mère devant rester à la maison et lors des disputes avec son
mari, elle le frappait. Cela conduira inévitablement au divorce. « Je ne trouvais pas de satisfaction avec un
homme » a t- elle précisé. De son côté, Katia connaitra un sort plus
malheureux dans son mariage car le père de son unique fils décédera quelques
années après leur union. Redevenues libres,
les deux amies prendront la décision de vivre ensemble sous un même toit. A ce
sujet, Aline qui a été un garçon manqué durant son enfance a déclaré ce qui
suit : « Nous sommes
devenues lesbiennes petit à petit aussi à cause de notre mauvaise expérience
avec les hommes ».
« Nous sommes devenues lesbiennes petit à petit aussi à cause de notre mauvaise expérience avec les hommes » |
Depuis, les deux femmes
ont organisé leur vie autour de la communauté lesbienne appelée communément
zimba ou lélé. Avec leurs amies, elles ont mis en place une sorte mutuelle afin
de venir en aide aux membres en cas de maladie, décès, fêtes, etc. D’après
Aline, cette mutuelle est un peu un service d’assistance qui remplace la
famille car la plupart des lesbiennes ne sont plus en contact direct avec leurs
parents à cause de leur orientation sexuelle. De ce fait, elle regrette le
manque d’existence d’une véritable association militante totalement lesbienne
afin de défendre leurs droits. D’ailleurs en ce qui concerne le Droit, Aline et
Katia ont déjà été victimes d’une arrestation arbitraire due aux risques
qu’elles prennent en afficher librement
leur vie de couple. Elles ont raconté la
mésaventure : « Un soir, nous
regardions un film porno américain à la maison. Les voisins ont cru que nous
étions entrain de nous envoyer en l’air et sont venus nous épier. Évidemment,
après avoir vu le film, nous avons commencé à faire l’amour. Le matin à 08h00,
la police était devant notre porte pour nous arrêter. Nous avons été emmenées
au poste de police et vers midi, nous ont libérées moyennant un peu d’argents. »
Ce fait que soulève
Aline et Katia est souvent fréquent à Kinshasa. La plupart des personnes LGBTI
sont parfois arrêtées de façon arbitraire pour être rançonner. Le fait que la
loi ne stipule dans aucun de ses articles une interdiction ou une autorisation
de l’homosexualité en RDC laisse libre co4urs à toutes les interprétations. Les
associations militantes défendant les minorités sexuelles existent déjà à
Kinshasa et dans certaines provinces du pays. Mais, elles ne disposent pas
encore de moyens pour mener des actions d’envergures. De plus, comme l’a relevé
Aline, il n’y a pas encore, du moins dans la capitale, une association rassemblant
uniquement les lesbiennes. Toutefois, un projet de ce genre est en préparation
et regroupera les personnes LBT (Lesbienne, Bisexuelle et Transgenre) animées
d’une volonté militante.
Justice Walu
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