samedi 26 mars 2016

Congo Brazza: Jonas Tshikas : « Le bonheur c’est d’assumer sa sexualité et de la vivre en toute responsabilité »



Bisexuel de 47 ans, Jonas Tshikas est un congolais de Brazzaville. Partiellement out,  ce père de trois enfants assume en toute responsabilité sa sexualité et partage sa vie entre sa compagne et son compagnon. Le cas de cet enseignant est une preuve que certains africains sont déterminés à vivre librement leur vie malgré les tabous existant dans la société sur l’homosexualité. 



Nom & prénom (pseudonyme) : Jonas  Tshikas
Age : 47 ans
Profession : Enseignant
Statut : vie maritale
Orientation sexuelle : Bisexuelle
Enfants : oui
Pays : Congo Brazzaville
Ville de résidence : Brazzaville
Passions : Philosophie religieuse – plaisirs directs
Signe particulier : Mignon et sexy, barbe grise.

Entretien réalisé le 19 mars 2016

Le centre ville de Brazzaville la verte. 


                                    Malebo Force : Avant de répondre aux questions, veuillez d’abord vous présenter, s’il vous plait?
                        
 Thikas : Mukongo du Congo Brazzaville, je suis né à Kinkala mais j’ai passé toute mon enfance jusqu’à l’adolescence à Pointe-Noire avant de venir à Brazzaville. Je suis enseignant dans une école de Brazzaville. Je vis une modeste vie avec mes enfants, leur mère, et mon compagnon. Je suis raëlien, athée donc, j’œuvre et je milite pour le retour de nos créateurs extraterrestres les Élohim dont les valeurs sont en parfait accord avec notre humanité profonde. 


                               Qu’est-ce que l’homosexualité ?

Notre sexualité se catégorise en des extrêmes que je classe en deux groupes : le premier groupe est celui du rythme sexuel et le second groupe celui de la tendance sexuelle. Le rythme sexuel consiste en l’aspiration profonde à avoir une très grande ou une très petite activité sexuelle. On trouve des gens qui naturellement pourraient avoir plus de 12 rapports sexuels par 24 heures et d’autres, tout aussi naturellement, se contenteraient de zéro rapport sexuel par an, et même durant toute une vie. Entre ces deux extrêmes, il existe une continuité de rythme caractérisant chaque être humain. Chacun à son rythme est alors une règle qui fait tenir compte du respect de ce que chaque être humain est, du point de vue de son rythme sexuel. Il n’existe pas de rythme idéal, par exemple pour l’homme, définissant le vrai homme ou pour la femme avilissant la salope. Chaque être humain a et doit vivre ce qui est son aspiration profonde du point de vue de son rythme sexuel au risque de ne pas exprimer ce pourquoi son code génétique ce serait ainsi manifester.

Il devient alors mal de vouloir normaliser le rythme sexuel de chaque homme ou femme. Une femme n’est pas plus respectable lorsqu’elle fait moins l’amour avec le moins des hommes possible que ne l’est une femme qui est multi partenaire en faisant l’amour plusieurs fois par jour. Pour l’atteinte de son bonheur, but de sa vie, il faut assumer ce que son code génétique a marqué comme expression à vivre. Sinon, on se met dans le flot des frustrations et des complexés qui, s’étant éloigné du but de leur vie, se battent pour que personne d’autre n’atteignent le sien, en imposant des lois et règles sociales décadentes et tuant le Bonheur.

Ce qui est vrai du rythme sexuel, l’est aussi pour la tendance sexuelle. La tendance sexuelle consiste en la catégorisation des femmes et hommes en homosexuel et hétérosexuel. Un homosexuel est cet homme ou cette femme qui n’a de l’attrait sexuel que pour les personnes de son propre sexe, alors qu’un hétérosexuel a sa libido tournée vers les partenaires de sexes opposé. Ce sont là les extrêmes. Entre ces deux extrêmes, il y a une continuité de tendance qu’on appelle tendance bisexuelle. Lorsqu’un être humain vient au monde, il a, inscrit en lui, ce que seront ses attirances sexuelles et en général, il n’a pas le choix. Il naît ainsi pour s’épanouir ainsi. Kinsey dans ses travaux en 1948 et en 1953 a montré que 71,4% de toute population humaine était bisexuelle ; 14,3% était exclusivement homosexuelle et 14,3% exclusivement hétérosexuelle. Autrement dit, 85,7% de toute population humaine pouvait avoir des relations sexuelles avec des personnes de même sexe (homme ou femme). Le « socialement correct » voudrait que nous soyons tous hétérosexuels, que les hommes soient les plus virils possible et que nous soyons tous le plus séducteur ou la plus séductrice des hommes ou des femmes possibles. C’est encore une illusion qui est entretenue et qui nous éloigne de nos aspirations profondes. 14,3 hétérosexuels seulement courent les rues et les quartiers d’une population de 100 personnes !!!

            Si nous avons l’illusion que la majorité des gens qui nous entoure est hétérosexuelle, c’est du fait qu’une bonne part des bisexuels « se cache » dans leur vie publique et privée dans le lot des hétérosexuels. Mais dans leur vie intérieure, ils savent ce qu’ils sont .



                Pouvez-vous vous souvenir vers quel âge avez-vous ressenti des sentiments homosexuels ?

Vers 9 ans, j’aimais regarder une revue de commande de vêtements nommée « La Redoute ». J’adorais mater les présentations des slips des hommes et imaginer ce qu’il y avait derrière les tissus.



                 Quand avez-vous réalisé que vos sentiments étaient différents par rapport aux hétérosexuels ?
Je ne sortais pas beaucoup, j’aimais lire des revues de sciences et parler de sciences lorsque j’en avais l’occasion. A 16 ans, j’avais eu mon premier flirt avec une jolie petite fille qui me harcelait littéralement ; je fuyais systématiquement ces flirts jusqu’au jour où je fus frappé par la puissance du regard d’un beau métis, David qu’il s’appelait, je venais d’avoir mes 18 ans et ce garçon hantait mon esprit. Je réalisais rapidement que j’étais amoureux de lui et que je le désirais fortement ; je fantasmais à le toucher, tous les jours jusqu’au jour où je parvins à le réaliser. Il me repoussa faiblement mais je n’eus plus jamais le courage de recommencer…

                      Y a-t-il un événement ou un moment particulier au cours duquel vous avez réalisé que vous étiez différent ? Pouvez-vous le partager avec nous ?
 
Je ne supportais pas pendant les retraites et récollections qu’on organisait à l’église (à l’époque j’étais chrétien catholique) qu’un frère entre dans la cabine de douche pendant que je me lavais. Cela me faisait un effet que j’avais du mal à cacher. Un jour, un ami s’immisça dans une de ces cabines et se mit immédiatement à me frotter le dos de façon sans équivoque. J’avais tellement aimé que je dû sortir en catastrophe pour qu’il ne voit jamais ce qu’il provoqua comme émoi en moi. Je savais qu’il était gay mais lui ne le savais pas pour moi.  Je savais aussi qu’il m’adorait, mais je ne voulais pas être stigmatisé comme il l’était. Aujourd’hui, on se voit toujours, on en parle et on en rit.

                     Comment vous êtes-vous sentis ?
 
C’est dit !

               Y avait-il d’autres personnes dans  votre entourage qui étaient reconnues comme homosexuels ?
 
Oui bien sûr, beaucoup. On les montrait du doigt. Ils étaient contraints par des brutes à se soumettre à leurs diktats. Le plus dur était d’être efféminé. Des brutes gays en profitaient pour les violenter et souvent les violer tout en ne se considérant pas comme gay. Être pédé était être efféminé, passif et soumis. C’était bien triste. Je ne supportais pas ces comportements de machos idiots et stupides le plus souvent.

"Je ne supportais pas le fait que je sois ainsi. Je répétais souvent, « pourquoi c’est tombé sur moi?»"






                   Chaque jour, nous apprenons à vivre comme des hétérosexuels. Avez-vous appris à être homosexuel ?
 
 Oui. J’ai beaucoup changé et je me considère comme un être exceptionnel, intelligent, beau qui a le privilège d’avoir dans ses artères et ses veines des informations qui m’indiquent où se trouvent les valeurs qui fondent notre humanité. La liberté, l’amour des différences et la responsabilité. Je suis un grand militant pour la défense de notre humanité et donc ouvertement militant pour les causes LGBT.

                   Quand avez-vous découvert le terme gay ou homosexuel ?
 
En 1987 pour homosexuel et en 1991 je crois, pour gay.

                           L’orientation d’une personne est fortement ressentie bien avant qu’elle ne découvre  son appellation. Un hétérosexuel est hétérosexuel  avant qu’il ne découvre qu’il y a des hétérosexuels. Cela est pareil pour un homosexuel.  Comment vous êtes-vous sentie lorsque vous avez appris qu’homosexuel désignait le terme de votre orientation sexuelle ? Comment avez-vous  imaginé votre avenir ?
 
Si je n’avais pas connu le Mouvement Raëlien, je crois que je me serais suicidé. Je ne supportais pas le fait que je sois ainsi. Je répétais souvent, « pourquoi c’est tombé sur moi »… Je n’aime plus y pensé.

                       Aviez-vous connu ou entendu parler  des homosexuels qui ont vécu dans votre société ?
 
Plus âgé que nous ? Non, excepté un Français dont on disait ne recevoir que des petits garçons chez lui.

                       Connaissez des personnes célèbres qui ont vécu ou vivent dans votre société et qui étaient ou sont homosexuels  ou au moins bisexuels ?  Pouvez-vos citez leurs noms ?
 
Aujourd’hui, oui, j’en connais beaucoup. Mais tous pour la plupart se préservent de la « vindicte » dans le placard.

                       On dit que l’homosexualité est un concept étranger à l’Afrique. Qu’en pensez-vous ? Pouvez-vous expliquer votre réponse ?
 
Un autre tabou à lever voudrait que l’homosexualité ait été importée de l’occident pendant la pénétration coloniale en Afrique, que les Africains ne connaissaient pas cette forme de sexualité. Ce n’est pas vrai.
La question de l’homosexualité étant encore très tabous, on ne trouve pas beaucoup de travaux scientifiques pour démontrer que l’homosexualité est et a toujours été ce qu’elle est dans tous les peuples de la Planète y compris en Afrique noire.
Charles GUEBOGO, ce jeune chercheur camerounais en exile  suite à son orientation sexuelle aux USA a écrit pas mal de chose sur cette question. Je vous recommande la lecture de ses travaux mais aussi de lire D. VANGROENWHEGE,  ou encore M., HERSKOVITS, G., HULSTAERT, E., EVANS-PRITCHARD entre autres.
Morceaux choisis : « chez les Ashanti (Cote d’Ivoire-Ghana-Togo-Benin), l’homosexualité socialement acquise par les esclaves ou quelques hommes libres pouvait être considérée comme identitaire, à cause du statut social que cela conférait. Le fait pour les jeunes Azande d’accepter les présents de leur prétendant et de vivre avec eux en couple, montre bien que durant cette période jusqu’à la majorité des jeunes, l’identité homosexuelle était acceptée, comprise et intégrée. C’est pourquoi ces garçons pouvaient faire des travaux attribués socialement aux femmes, accepter des relations sexuelles avec les hommes, mais surtout parvenaient à appeler leurs amoureux badiare. Pour ce qui est des femmes, dans la plupart des cas, il s’agissait de pseudo-homosexualité, qui compensait soit l’absence des hommes, soit leur incapacité à satisfaire leurs jeunes épouses. Cependant, des cas d’homosexualité identitaire couverts par les expressions d’aponji ou eponji, peuvent être mis en exergue. C’est dire que dans ces amitiés amoureuses entre femmes ou entre hommes qui pourraient être établies, il ressort une forte prise de conscience de l’investissement sexuel qui entourait les amitiés. Le but des actes sexuels était peut-être de renforcer l’amitié, de la sceller, toujours est-il que tout cela passait par la prise de conscience de ce caractère d’amitié hors du commun. C’est pourquoi les langues ou les sociétés à travers les langues ont su qualifier de telles amitiés, les distinguant de celles sans investissement érotique entre ami (es) de même sexe, mukuetu.»

 
"Je suis le papa dans ma famille. De ce fait mes compagnons et mes enfants sont liés à mon orientation sexuelle."





                    L’intolérance vis-à-vis de l’homosexualité est-elle devenue plus virulente par rapport  à l’époque où vous grandissiez ?

L’Internet est venu sauver la jeunesse d’aujourd’hui !  Même si à Brazzaville et Pointe-Noire, j’ai la nette impression que l’homosexualité est plus tolérée qu’avant, les rares réactions rétrogrades que nous rencontrons sont d’une violence telle qu’il faut continuer la lutte pour l’acceptation sans plus de l’homosexualité.



                         D’après vous, pourquoi cette intolérance est-elle devenue si virulente ?
 
L’Internet en est paradoxalement la cause. Les informations circulent plus facilement, les églises rétrogrades déistes se saisissent alors de la question pour stigmatiser les gays et inciter ainsi à la violence à travers un argumentaire d’un autre âge. L’argumentaire biblique contre l’homosexualité est une merde qu’il faut jeter tout simplement. C’est pour moi la preuve que Dieu n’existe pas autrement, il n’écrirait pas de telles inepties.

                    Pourriez-vous citer les noms de personnes ou des organisations qui favorisent l’homophobie dans votre pays ou ailleurs en Afrique ?
 
Je viens de le dire, les église déistes et obscurantistes chrétiennes communément appelées « églises de réveil », « Tabernacle »,…

                          Je suis sûr qu’il y a des hétérosexuels qui sont contre l’homophobie ou les lois anti gays dans votre pays. Aucuns d’eux n’élèvent la voix ? Sont-elles des personnalités connues ? (Politiciens, musiciens, sportifs,  écrivains, intellectuels, etc.)
 
Mais la majorité est contre l’homophobie ; il suffit de bien leur expliquer ce qu’est l’homosexualité. Les plus gros des homophobes sont les homosexuels non assumés souvent qui pensent à tort qu’il suffit de se montrer homophobe pour ne pas être soupçonnés homosexuels !

                          Comment vous vous y prenez face à la pression familiale ?
 
Je n’ai pas ce problème. Athée depuis mes 17 ans alors que ma famille est croyante chrétienne, je leur ai imposé de respecter mes combats.

                   En tant que  homme attiré sexuellement par les  personnes de même sexe,   pensez-vous que vous vivez avec une femme pour être en conformité avec la société africaine ?
 
Je ne sais plus y répondre. Le mariage est inutile. Qu’il soit hétérosexuel ou homosexuel. Je voulais avoir une épouse (que j’ai toujours du reste) mais surtout des enfants (qui en réalité ne m’apportent pas plus de bonheur aujourd’hui), et je me suis organisé à construire une telle vie. Si c’était à recommencer, je ne ferais pas pareil c’est sûr ! Nous sommes faits pour être libre toujours.

                         Comment liez-vous votre orientation sexuelle et votre vie de famille ?
 
Je suis le papa dans ma famille. De ce fait, mes compagnons et mes enfants sont liés à mon orientation sexuelle. Il faut me prendre ainsi ou bien partir.

                  Vous êtes out, c’est-à-dire, votre entourage connait votre orientation sexuelle. Comment gérez-vous cette situation qui est quand même assez délicate ?
 
Partiellement OUT. Tous mes proches amis et certains parents le savent, les membres de ma religion le savent tous. Mais je ne passe pas à la radio et à la télévision pour dire ma vie. Je pense que ce n’est pas cela qui apporte le bonheur. Le bonheur, c’est surtout d’assumer et de le vivre en toute responsabilité. Je ne me cache pas du tout dans mes prises de positions en faveur des gays même si je suis contre le mariage sous quelque forme que ce soit. Mais à chacun son rythme.

                      Comment vous  y êtes vous pris pour faire accepter à votre compagne la présence d'un homme dans votre vie?
 
Elle ne l'a jamais accepté, je le lui avais dit c'est tout.


Interview réalisé par Justice Walu
 




 

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