Bisexuel de 47 ans, Jonas Tshikas est un congolais de Brazzaville. Partiellement out, ce père de trois enfants assume en toute
responsabilité sa sexualité et partage sa vie entre sa compagne et son
compagnon. Le cas de cet enseignant est une preuve que certains africains sont
déterminés à vivre librement leur vie malgré les tabous existant dans la
société sur l’homosexualité.
Nom & prénom (pseudonyme) : Jonas Tshikas
Age :
47 ans
Profession :
Enseignant
Statut :
vie maritale
Orientation
sexuelle : Bisexuelle
Enfants : oui
Pays :
Congo Brazzaville
Ville
de résidence : Brazzaville
Passions :
Philosophie religieuse – plaisirs directs
Signe
particulier : Mignon et sexy, barbe grise.
Malebo Force : Avant de
répondre aux questions, veuillez d’abord vous présenter, s’il vous plait?
Thikas : Mukongo du Congo Brazzaville, je suis
né à Kinkala mais j’ai passé toute mon enfance jusqu’à l’adolescence à
Pointe-Noire avant de venir à Brazzaville. Je suis enseignant dans une école de Brazzaville. Je vis une modeste vie avec mes enfants,
leur mère, et mon compagnon. Je suis raëlien, athée donc, j’œuvre et je milite
pour le retour de nos créateurs extraterrestres les Élohim dont les valeurs
sont en parfait accord avec notre humanité profonde.
Qu’est-ce que
l’homosexualité ?
Notre
sexualité se catégorise en des extrêmes que je classe en deux groupes : le
premier groupe est celui du rythme sexuel et le second groupe celui de la tendance
sexuelle. Le rythme sexuel consiste en l’aspiration profonde à avoir une très
grande ou une très petite activité sexuelle. On trouve des gens qui
naturellement pourraient avoir plus de 12 rapports sexuels par 24 heures et
d’autres, tout aussi naturellement, se contenteraient de zéro rapport sexuel
par an, et même durant toute une vie. Entre ces deux extrêmes, il existe une
continuité de rythme caractérisant chaque être humain. Chacun à son rythme est
alors une règle qui fait tenir compte du respect de ce que chaque être humain
est, du point de vue de son rythme sexuel. Il n’existe pas de rythme idéal, par
exemple pour l’homme, définissant le vrai homme ou pour la femme avilissant la
salope. Chaque être humain a et doit vivre ce qui est son aspiration profonde
du point de vue de son rythme sexuel au risque de ne pas exprimer ce pourquoi
son code génétique ce serait ainsi manifester.
Il
devient alors mal de vouloir normaliser le rythme sexuel de chaque homme ou
femme. Une femme n’est pas plus respectable lorsqu’elle fait moins l’amour avec
le moins des hommes possible que ne l’est une femme qui est multi partenaire en
faisant l’amour plusieurs fois par jour. Pour l’atteinte de son bonheur, but de
sa vie, il faut assumer ce que son code génétique a marqué comme expression à
vivre. Sinon, on se met dans le flot des frustrations et des complexés qui,
s’étant éloigné du but de leur vie, se battent pour que personne d’autre
n’atteignent le sien, en imposant des lois et règles sociales décadentes et
tuant le Bonheur.
Ce
qui est vrai du rythme sexuel, l’est aussi pour la tendance sexuelle. La
tendance sexuelle consiste en la catégorisation des femmes et hommes en
homosexuel et hétérosexuel. Un
homosexuel est cet homme ou cette femme qui n’a de l’attrait sexuel que pour
les personnes de son propre sexe, alors qu’un hétérosexuel a sa libido
tournée vers les partenaires de sexes opposé. Ce sont là les extrêmes. Entre
ces deux extrêmes, il y a une continuité de tendance qu’on appelle tendance
bisexuelle. Lorsqu’un être humain vient au monde, il a, inscrit en lui, ce que
seront ses attirances sexuelles et en général, il n’a pas le choix. Il naît
ainsi pour s’épanouir ainsi. Kinsey dans ses travaux en 1948 et en 1953 a montré que 71,4% de
toute population humaine était bisexuelle ; 14,3% était exclusivement
homosexuelle et 14,3% exclusivement hétérosexuelle. Autrement dit, 85,7% de
toute population humaine pouvait avoir des relations sexuelles avec des
personnes de même sexe (homme ou femme). Le « socialement correct » voudrait
que nous soyons tous hétérosexuels, que les hommes soient les plus virils
possible et que nous soyons tous le plus séducteur ou la plus séductrice des
hommes ou des femmes possibles. C’est encore une illusion qui est entretenue et
qui nous éloigne de nos aspirations profondes. 14,3 hétérosexuels seulement courent les rues et les quartiers d’une
population de 100 personnes !!!
Si nous avons l’illusion que la
majorité des gens qui nous entoure est hétérosexuelle, c’est du fait qu’une
bonne part des bisexuels « se cache » dans leur vie publique et
privée dans le lot des hétérosexuels. Mais dans leur vie intérieure, ils savent
ce qu’ils sont .
Pouvez-vous
vous souvenir vers quel âge avez-vous ressenti des sentiments
homosexuels ?
Vers 9 ans, j’aimais regarder une revue de
commande de vêtements nommée « La Redoute ». J’adorais mater les
présentations des slips des hommes et imaginer ce qu’il y avait derrière les
tissus.
Quand
avez-vous réalisé que vos sentiments étaient différents par rapport aux
hétérosexuels ?
Je ne sortais pas beaucoup, j’aimais lire des
revues de sciences et parler de sciences lorsque j’en avais l’occasion. A 16
ans, j’avais eu mon premier flirt avec une jolie petite fille qui me harcelait littéralement ;
je fuyais systématiquement ces flirts jusqu’au jour où je fus frappé par la
puissance du regard d’un beau métis, David qu’il s’appelait, je venais d’avoir
mes 18 ans et ce garçon hantait mon esprit. Je réalisais rapidement que j’étais
amoureux de lui et que je le désirais fortement ; je fantasmais à le
toucher, tous les jours jusqu’au jour où je parvins à le réaliser. Il me
repoussa faiblement mais je n’eus plus jamais le courage de recommencer…
Y
a-t-il un événement ou un moment particulier au cours duquel vous avez réalisé
que vous étiez différent ? Pouvez-vous le partager avec nous ?
Je ne supportais pas pendant les retraites et
récollections qu’on organisait à l’église (à l’époque j’étais chrétien
catholique) qu’un frère entre dans la cabine de douche pendant que je me
lavais. Cela me faisait un effet que j’avais du mal à cacher. Un jour, un ami
s’immisça dans une de ces cabines et se mit immédiatement à me frotter le dos
de façon sans équivoque. J’avais tellement aimé que je dû sortir en catastrophe
pour qu’il ne voit jamais ce qu’il provoqua comme émoi en moi. Je savais qu’il
était gay mais lui ne le savais pas pour moi.
Je savais aussi qu’il m’adorait, mais je ne voulais pas être stigmatisé
comme il l’était. Aujourd’hui, on se voit toujours, on en parle et on en rit.
Comment
vous êtes-vous sentis ?
C’est dit !
Y
avait-il d’autres personnes dans votre
entourage qui étaient reconnues comme homosexuels ?
Oui bien sûr, beaucoup. On les montrait du
doigt. Ils étaient contraints par des brutes à se soumettre à leurs diktats. Le
plus dur était d’être efféminé. Des brutes gays en profitaient pour les
violenter et souvent les violer tout en ne se considérant pas comme gay. Être
pédé était être efféminé, passif et soumis. C’était bien triste. Je ne
supportais pas ces comportements de machos idiots et stupides le plus souvent.
"Je ne supportais pas le fait que je sois ainsi. Je répétais souvent, « pourquoi c’est tombé sur moi?»" |
Oui. J’ai beaucoup changé et je me
considère comme un être exceptionnel, intelligent, beau qui a le privilège
d’avoir dans ses artères et ses veines des informations qui m’indiquent où se
trouvent les valeurs qui fondent notre humanité. La liberté, l’amour des
différences et la responsabilité. Je suis un grand militant pour la défense de
notre humanité et donc ouvertement militant pour les causes LGBT.
En 1987 pour homosexuel et en 1991
je crois, pour gay.
Si je n’avais pas connu le
Mouvement Raëlien, je crois que je me serais suicidé. Je ne supportais pas le
fait que je sois ainsi. Je répétais souvent, « pourquoi c’est tombé sur
moi »… Je n’aime plus y pensé.
Plus âgé que nous ? Non,
excepté un Français dont on disait ne recevoir que des petits garçons chez lui.
Aujourd’hui, oui, j’en connais
beaucoup. Mais tous pour la plupart se préservent de la « vindicte »
dans le placard.
Un
autre tabou à lever voudrait que l’homosexualité ait été importée de l’occident
pendant la pénétration coloniale en Afrique, que les Africains ne connaissaient
pas cette forme de sexualité. Ce n’est pas vrai.
La
question de l’homosexualité étant encore très tabous, on ne trouve pas beaucoup
de travaux scientifiques pour démontrer que l’homosexualité est et a toujours
été ce qu’elle est dans tous les peuples de la Planète y compris en Afrique
noire.
Charles
GUEBOGO, ce jeune chercheur camerounais en exile suite à son orientation sexuelle aux USA a
écrit pas mal de chose sur cette question. Je vous recommande la lecture de ses
travaux mais aussi de lire D. VANGROENWHEGE,
ou encore M., HERSKOVITS, G., HULSTAERT, E., EVANS-PRITCHARD entre
autres.
Morceaux choisis :
« chez les Ashanti (Cote d’Ivoire-Ghana-Togo-Benin), l’homosexualité
socialement acquise par les esclaves ou quelques hommes libres pouvait être
considérée comme identitaire, à cause du statut social que cela conférait. Le
fait pour les jeunes Azande d’accepter les présents de leur prétendant et de
vivre avec eux en couple, montre bien que durant cette période jusqu’à la
majorité des jeunes, l’identité homosexuelle était acceptée, comprise et
intégrée. C’est pourquoi ces garçons pouvaient faire des travaux attribués
socialement aux femmes, accepter des relations sexuelles avec les hommes, mais
surtout parvenaient à appeler leurs amoureux badiare. Pour ce qui est
des femmes, dans la plupart des cas, il s’agissait de pseudo-homosexualité, qui
compensait soit l’absence des hommes, soit leur incapacité à satisfaire leurs
jeunes épouses. Cependant, des cas d’homosexualité identitaire couverts par les
expressions d’aponji ou eponji, peuvent être mis en exergue. C’est dire
que dans ces amitiés amoureuses entre femmes ou entre hommes qui pourraient
être établies, il ressort une forte prise de conscience de l’investissement
sexuel qui entourait les amitiés. Le but des actes sexuels était peut-être de
renforcer l’amitié, de la sceller, toujours est-il que tout cela passait par la
prise de conscience de ce caractère d’amitié hors du commun. C’est pourquoi les
langues ou les sociétés à travers les langues ont su qualifier de telles
amitiés, les distinguant de celles sans investissement érotique entre ami (es)
de même sexe, mukuetu.»
"Je suis le papa dans ma famille. De ce fait mes compagnons et mes enfants sont liés à mon orientation sexuelle." |
L’intolérance
vis-à-vis de l’homosexualité est-elle devenue plus virulente par rapport à l’époque où vous grandissiez ?
L’Internet est venu sauver la jeunesse
d’aujourd’hui ! Même si à Brazzaville et Pointe-Noire, j’ai la nette
impression que l’homosexualité est plus tolérée qu’avant, les rares réactions rétrogrades
que nous rencontrons sont d’une violence telle qu’il faut continuer la lutte
pour l’acceptation sans plus de l’homosexualité.
D’après
vous, pourquoi cette intolérance est-elle devenue si virulente ?
L’Internet en est paradoxalement la cause. Les
informations circulent plus facilement, les églises rétrogrades déistes se
saisissent alors de la question pour stigmatiser les gays et inciter ainsi à la
violence à travers un argumentaire d’un autre âge. L’argumentaire biblique
contre l’homosexualité est une merde qu’il faut jeter tout simplement. C’est
pour moi la preuve que Dieu n’existe pas autrement, il n’écrirait pas de telles
inepties.
Pourriez-vous
citer les noms de personnes ou des organisations qui favorisent l’homophobie
dans votre pays ou ailleurs en Afrique ?
Je viens de le dire, les église déistes et
obscurantistes chrétiennes communément appelées « églises de
réveil », « Tabernacle »,…
Je
suis sûr qu’il y a des hétérosexuels qui sont contre l’homophobie ou les lois
anti gays dans votre pays. Aucuns d’eux n’élèvent la voix ? Sont-elles des
personnalités connues ? (Politiciens, musiciens, sportifs, écrivains, intellectuels, etc.)
Mais la majorité est contre l’homophobie ; il
suffit de bien leur expliquer ce qu’est l’homosexualité. Les plus gros des homophobes
sont les homosexuels non assumés souvent qui pensent à tort qu’il suffit de se
montrer homophobe pour ne pas être soupçonnés homosexuels !
Comment
vous vous y prenez face à la pression familiale ?
Je n’ai pas ce problème. Athée depuis mes 17 ans alors
que ma famille est croyante chrétienne, je leur ai imposé de respecter mes
combats.
En
tant que homme attiré sexuellement par
les personnes de même sexe, pensez-vous que vous vivez avec une femme
pour être en conformité avec la société africaine ?
Je ne sais plus y répondre. Le mariage est inutile.
Qu’il soit hétérosexuel ou homosexuel. Je voulais avoir une épouse (que j’ai
toujours du reste) mais surtout des enfants (qui en réalité ne m’apportent pas
plus de bonheur aujourd’hui), et je me suis organisé à construire une telle
vie. Si c’était à recommencer, je ne ferais pas pareil c’est sûr ! Nous
sommes faits pour être libre toujours.
Comment
liez-vous votre orientation sexuelle et votre vie de famille ?
Je suis le papa dans ma famille. De ce fait, mes
compagnons et mes enfants sont liés à mon orientation sexuelle. Il faut me
prendre ainsi ou bien partir.
Vous
êtes out, c’est-à-dire, votre entourage connait votre orientation sexuelle.
Comment gérez-vous cette situation qui est quand même assez délicate ?
Partiellement OUT. Tous mes proches amis et certains parents
le savent, les membres de ma religion le savent tous. Mais je ne passe pas à la radio et à la télévision
pour dire ma vie. Je pense que ce n’est pas cela qui apporte le bonheur. Le
bonheur, c’est surtout d’assumer et de le vivre en toute responsabilité. Je ne
me cache pas du tout dans mes prises de positions en faveur des gays même si je
suis contre le mariage sous quelque forme que ce soit. Mais à chacun son
rythme.
Comment
vous y êtes vous pris pour faire accepter à votre compagne la présence d'un
homme dans votre vie?
Elle
ne l'a jamais accepté, je le lui avais dit c'est tout.
Interview réalisé par Justice Walu