Se marier a
toujours constitué un idéal pour la plupart des hommes. Cependant, lorsqu’on
est homosexuel, les choses sont plus compliquées car un mariage sous
entend une union entre un homme et une femme. Certains diront que sur la
planète terre, un mariage peut aussi lier deux personnes de même sexe. En
Belgique, aux Pays Bas, en Grande Bretagne, au Canada, dans certains
États américains et tout récemment en France, cela est possible. En Suisse et
dans quelques États européens, une forme d’arrangement légal permet aux
hommes de vivre en couple.
Si on jette un
coup d’œil dans le reste du monde et plus précisément en Afrique, ces genres
d’union entre hommes restent encore quasiment impossibles sauf depuis 2006 en
Afrique du Sud. La RDC comme ses voisins africains est un pays où le
mariage garde encore sa valeur originelle. Pour tout jeune congolais
l’union entre un homme et une femme revêt souvent un sens sacré. Un homme non
marié ne jouit pas d’une certaine considération au sein de la société. Cela est
le cas aussi pour une femme et parfois par peur de coiffer la sainte Catherine,
plusieurs d’entre elles acceptent de vivre en concubinage avec un homme.
D’ailleurs, la
crise que connaît le pays a favorisé une forme d’union entre le concubinage et
le mariage qu’on a surnommée en lingala, l’une des quatre langues officielles
de la RDC, « yaka tofanda » qui peut se traduire par « viens
rester avec moi ». Ce fait qui est devenu un véritable phénomène peut être
considéré comme un vrai faux mariage dû au manque de moyen financier de l’homme
d’épouser officiellement sa femme. Donc, cette situation prouve que vivre
en couple demeure fondamental au Congo Kinshasa. Le célibat est très mal
accepté voir méprisé. D’ailleurs, les églises évangéliques n’hésitent pas à
mettre leur grain de sel pour inciter les jeunes à se marier et à fonder une
famille. Malheureusement, cela contribue à créer une forme de panique auprès de
jeunes hommes et des jeunes femmes qui tardent à se passer la bague au doigt.
Allant même jusqu’à dire que ceux qui ne se marient pas sont possédés par un
esprit malsain appelé « mari de nuit » ou « femme de nuit ». Ce
fait est à la base d’une psychose auprès de certains jeunes ayant atteint
la trentaine et qui sont encore célibataires. Face à cela, chacun peut
comprendre qu’un homosexuel n’a pas le choix dans une telle société. Ce cas
touche plus les gays qui refusent de s’afficher ou qui vivent mal leur
sexualité. Pour ne pas éveiller les soupçons, ils sont contraints dès qu’ils
atteignent un certain âge de se marier car le regard de l’entourage devient
plus inquiétant.
Cette situation
très contraignante a conduit certains passifs ou actifs en RDC et dans bon
nombre des pays du continent à prendre la poudre d’escampette pour se réfugier
dans des pays plus tolérants. La plupart partent en Europe (France, Belgique,
Royaume-Uni ou Pays Bas), d’autres vont au Canada ou aux États-Unis et
les restes trouvent la liberté en Afrique du Sud, l’un des rares États du
continent africain à posséder une législation protectrice sur l’homosexualité. Cette forme
d’immigration plus ou moins ignorée est devenue très importante, ces dernières
années. Certains fuient l’hostilité de la société face à leur orientation
sexuelle et d’autres fuient les pressions du mariage. Ainsi, beaucoup d’hommes
ont quitté le pays souvent contre leur volonté mais dans l’unique but de cacher
leur choix sexuel et éviter un jour à devoir se marier ou se justifier. Ceux
qui n’ont pas d’autres choix restent sur place et ont deux
possibilités : s’afficher librement, ce qui n’est pas facile ou jouer
le jeu en se faisant passer pour un hétérosexuel.
Célébration d'un mariage gay en Afrique du Sud. L’État sud-africain autorise l'union entre deux hommes depuis 2006. |
Au Mali et au Sénégal, des homosexuels ont été arrêtés parce qu'ils ont célébré une union entre deux hommes. |
Cependant, partir
à l'étranger n'est pas toujours synonyme de liberté pour un homosexuel.
Certains gays africains vivant à l'étranger ont également céder à la pression
de la communauté ou de la famille en prenant une femme pour épouse afin d'éviter d'être stigmatiser. L'honneur
de la famille est toujours avancé dans ce genre de cas. Que ce soit sur le
continent ou ailleurs, très peu tourne le dos à leur orientation sexuelle une
fois marié. La plupart entretienne une double vie. Ils sont époux et père de
famille mais couchent aussi avec d'autres hommes. D'ailleurs en RDC, une étude
réalisée en 2011 par le PSSP et le PNUD dans 6 provinces, a démontré que 2%
d'hommes étaient bisexuels. Kinshasa, la ville province, compte à elle seule
534845 hommes recensés ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH).
534845 hommes vivant à Kinshasa ont des rapports sexuels avec des personnes de même sexe. |
Témoignages
Il faut
reconnaître qu’on ne peut pas rester célibataire longtemps dans les pays
africains sans en donner les explications. Un jour au l’autre que l’on soit
bisexuel ou homosexuel, il faut faire face à la réalité et accepter de se
mettre en conformité avec la société. Ici, je peux citer le cas de Roger, un
kinois qui voyant la cinquantaine approchée et prit par la peur d’être un jour
démasqué se décida de prendre en mariage, la belle et jeune Julie. La jeune
fille était une fervente croyante et à ses yeux ce mariage ne revêtait qu’un
seul sens : la victoire contre le célibat. Pour l’homme, c’était un moyen
de ne plus être embêté par ses collègues de travail et par les membres de sa
famille qui se posaient mille et une question au sujet de sa longue solitude.
Une fois qu’ils
furent mariés, Roger présenta à Julie, un ami très proche de lui nommé
Vincent. La jeune femme sympathisa aussitôt avec ce dernier tout en
ignorant qu’il était l’amant de son mari depuis des années. Trois ans après
leur union, le couple n’avait toujours pas d’enfants. Cela inquiétait Julie qui
se posait beaucoup de question sur le manque d’intérêt permanent de son mari
lors de leurs rapports sexuels. En effet, Roger ne satisfaisait pas
régulièrement sa femme et trouvait toujours une justification à donner à
« ses pannes sexuels ». Naïve ? Peut être mais la jeune femme
continua à s’accrocher à son mari qui en plus d’être un bel homme avait
une situation enviable dans une grande entreprise. Mais, un après midi,
alors qu’elle était en séminaire de prière à l’église, Julie qui ne se sentait
pas en forme décida de rentrer chez elle sans prévenir. Lorsqu’elle entra dans
la chambre, elle fut choquée de trouver son mari entrain de faire l’amour à
Vincent. Je tiens à préciser que Julie n’avait aucune notion sur
l’homosexualité et le fait de voir son mari nu au dessus d’un autre homme fut
un sacrilège. Elle s’évanouit aussitôt et ne reprit connaissance que plusieurs
minutes après dans une clinique du quartier. Ce fut alors le moment de vérité
et des explications entre Roger et sa femme. Il dû faire son coming out malgré
lui. Il proposa à son épouse deux possibilités : divorcer ou continuer à
vivre ensemble et accepter la présence discrète de Vincent. Julie tenant
à son mari fut d’accord pour la seconde possibilité. Aujourd’hui, ils
sont toujours ensemble et ont eu deux enfants. Ce genre de ménage à trois est
courant à Kinshasa car la bisexualité est l’orientation sexuelle la plus
dominante après l’hétérosexualité. Certaines épouses font semblant d'ignorer la vie gay de leurs époux. D'autres, par contre ne le savent pas et vivent normalement dans leur ménage jusqu'au jour où se produit un incident.
Plusieurs
hommes que j’ai approchés sont d’ailleurs dans cette situation. Baudry,
40 ans, congolais de Kinshasa résidant à Brazzaville (République du Congo), est
un bisexuel avec une prédominance gay qui
depuis plus de cinq ans est marié. Homosexuel à partir de 17 ans,
il n’a eu sa première relation sexuelle avec un homme que vers 27 ans soit dix
années plus tard. Il vit en ménage à trois entre Kinshasa où réside son
partenaire et Brazzaville où se trouve son épouse. Il est présentement père
d’un garçon de six ans. Il reconnait aujourd’hui s’être marié pour faire
plaisir à sa sœur ainée. En Effet, cette dernière faisait pression sur son
petit frère afin qu’il se marie et assure une descendance à la famille.
L'amour entre deux hommes reste une relation cachée. Le plus souvent, l'un des partenaires finira par prendre une femme comme épouse. |
Bertrand, un
militaire au sein des Forces Armées de la République Démocratique du
Congo (FARDC) est marié et père de trois enfants. Après plusieurs années
de peur, il décida à 25 ans d’essayer un partenaire de même sexe. Le plaisir
qu’il en tira, l’a convaincu que cette sexualité n’avait aucun lien avec la
magie ou le diable. Attiré aussi par les filles, il se maria à l’âge de 28 ans.
Mais, à 41 ans actuellement, il continue de draguer les hommes et
d’avoir des liaisons avec eux. Il a déclaré reconnaître un certain avantage à
cela, à savoir : le manque d’engagement sérieux, pas de charge ni de
risque d’avoir des enfants. En fait, Bertrand fait partie de ces bisexuels
kinois qui s’adonnent à l’homosexualité pour le plaisir qu’ils en tirent. De ce
fait, il a des rencontres sans lendemain avec différents partenaires masculins.
Roland, un maître
cuisinier de 35 ans vit en ménage avec une femme. Il a vécu avec un jeune
étudiant une liaison suivie durant plus de trois ans. Il a été
initié à l’homosexualité durant son adolescence. Au fil des ans, il a
senti se développer en lui une forte attirance envers les hommes. Actuellement,
il entretient une liaison avec un partenaire de son âge. Il s'estime heureux en tant qu'homosexuel et sa vie de couple avec sa compagne n'est qu'une couverture. Mais jusqu'à quand pourra tenir cette double vie?
Ces quelques
témoignages ne sont certes pas exhaustifs mais ils démontrent combien il est
difficile de vivre son homosexualité dans un univers très hostile envers les
personnes LGBTI.
Extrait d’Itinéraire Caché par JW. Copyright.2014
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