mercredi 20 avril 2016

RDC : Aline et Katia : De carine à amante



Être lesbienne à Kinshasa n’est pas une chose facile car il y a trop de préjugés autour des relations intimes entre deux personnes de même sexe. Tout comme les gays, les femmes homosexuelles sont assimilées à des sorcières ou des malades mentales. Malgré cette hostilité, certaines arrivent à céder à leur passion amoureuse et à vivre leur relation au grand jour. C’est le cas d’Aline et Katia qui ont bien voulu partager leur bonheur avec nous.



Aline et Katia sont deux femmes lesbiennes qui ont su braver les interdits de la société. En couple depuis une dizaine d’années, elles vivent  sous un même toit dans un quartier populaire de Kinshasa.
« Nous n’avons pas eu peur  de suivre nos sentiments » a précisé Aline. Divorcée, elle est militaire et mère de quatre enfants. Katia, sa compagne, est veuve et a un fils qui ne vit pas avec elle. Dans leur foyer, les deux femmes partagent leur existence avec les enfants d’Aline. Cette dernière est « l’homme » de la maison car c’est elle qui commande et ramène l’argent. Katia est la femme dévouée à sa compagne pour laquelle elle cuisine quotidiennement à manger.  Leurs familles et leurs entourages sont au courant de leur vie de couple mais les deux lesbiennes ne tiennent pas compte de ce qui se dit sur elles. 

 La place Victoire à Matonge dans la commune de Kalamu. L'un des quartiers populaires de Kinshasa

               « Nous n’avons pas eu peur  de suivre nos sentiments »



Les deux femmes se sont rencontrées au lycée alors qu’elles n’avaient que 12 ans. C’était dans les années 80 à une époque où le phénomène carine faisait des ravages au sein des écolières. En effet, le mot carine sous entendait une relation entre deux jeunes filles élèves dont l’une était souvent plus âgée que l’autre ou était plus dominatrice envers l’autre. En dominant sur l’autre, elle jouait un rôle de protectrice et de guide. Apparu dans les dortoirs pour filles des internats, ce phénomène s’étendra dans les lycées et autres écoles. Ce qui était au départ une simple relation amicale entre deux filles va petit à petit prendre de l’ampleur et devenir une vraie histoire amoureuse pour certaines d’entre elles. Vers la fin des années 80, les autorités des écoles et les parents commenceront à dénoncer ces relations et petit à petit le phénomène carine disparaitra. Pour Aline et Katia, leur amour ne s’éteindra pas pour autant car elles continueront à s’aimer au delà du lycée avec la bénédiction de la sœur ainée de Katia. Celle-ci, voyait en cette relation plus une amitié entre sa petite sœur et Aline. 

     « Je ne trouvais pas de satisfaction avec un homme »

Une fois devenue adulte, chacune fera ce qui est comme une obligation dans les sociétés africaines, c’est-à-dire, elles vont se marier et fonder une famille. Mais, elles ne seront pas heureuses dans leurs foyers. Aline ne supportait par le fait d’être une mère devant rester à la maison et lors des disputes avec son mari, elle le frappait. Cela conduira inévitablement au divorce. « Je ne trouvais pas de satisfaction avec un homme » a t- elle précisé. De son côté, Katia connaitra un sort plus malheureux dans son mariage car le père de son unique fils décédera quelques années après leur union.  Redevenues libres, les deux amies prendront la décision de vivre ensemble sous un même toit. A ce sujet, Aline qui a été un garçon manqué durant son enfance a déclaré ce qui suit : « Nous sommes devenues lesbiennes petit à petit aussi à cause de notre mauvaise expérience avec les hommes ». 

« Nous sommes devenues lesbiennes petit à petit aussi à cause de notre mauvaise expérience avec les hommes »


Depuis, les deux femmes ont organisé leur vie autour de la communauté lesbienne appelée communément zimba ou lélé. Avec leurs amies, elles ont mis en place une sorte mutuelle afin de venir en aide aux membres en cas de maladie, décès, fêtes, etc. D’après Aline, cette mutuelle est un peu un service d’assistance qui remplace la famille car la plupart des lesbiennes ne sont plus en contact direct avec leurs parents à cause de leur orientation sexuelle. De ce fait, elle regrette le manque d’existence d’une véritable association militante totalement lesbienne afin de défendre leurs droits. D’ailleurs en ce qui concerne le Droit, Aline et Katia ont déjà été victimes d’une arrestation arbitraire due aux risques qu’elles prennent  en afficher librement leur vie de couple.  Elles ont raconté la mésaventure : « Un soir, nous regardions un film porno américain à la maison. Les voisins ont cru que nous étions entrain de nous envoyer en l’air et sont venus nous épier. Évidemment, après avoir vu le film, nous avons commencé à faire l’amour. Le matin à 08h00, la police était devant notre porte pour nous arrêter. Nous avons été emmenées au poste de police et vers midi, nous ont libérées moyennant un peu d’argents. »

Ce fait que soulève Aline et Katia est souvent fréquent à Kinshasa. La plupart des personnes LGBTI sont parfois arrêtées de façon arbitraire pour être rançonner. Le fait que la loi ne stipule dans aucun de ses articles une interdiction ou une autorisation de l’homosexualité en RDC laisse libre co4urs à toutes les interprétations. Les associations militantes défendant les minorités sexuelles existent déjà à Kinshasa et dans certaines provinces du pays. Mais, elles ne disposent pas encore de moyens pour mener des actions d’envergures. De plus, comme l’a relevé Aline, il n’y a pas encore, du moins dans la capitale, une association rassemblant uniquement les lesbiennes. Toutefois, un projet de ce genre est en préparation et regroupera les personnes LBT (Lesbienne, Bisexuelle et Transgenre) animées d’une volonté militante.


Justice Walu
 



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