lundi 30 mars 2015

RDC: Les menaces d'une loi anti homosexualité continuent à planer

Les menaces d'une loi anti homosexualité continuent à planer en République démocratique du Congo sur la communauté LGBTI.

En effet, un  Député a fait remarqué lundi 23 mars dernier à l'Assemblée Nationale que  le projet de loi criminalisant les rapports entre personnes de même sexe ne figurait pas sur la liste des sujets à l'ordre du jour de la session parlementaire ordinaire dont les travaux ont repris récemment. Au cours de cette séance plénière consacrée à l'examen et à l'adoption du calendrier desdits travaux, le président de l'Assemblée Aubin  Minaku a réagi en déclarant qu'une copie améliorée de ce projet de loi anti homosexualité se trouve actuellement dans la chambre basse du parlement pour étude. Il a ajouté que des dispositions seront prises pour la programmation d'un débat autour de cette proposition de loi durant la session parlementaire en cours. Ainsi, plusieurs Députés ont donné un avis favorable pour que ce projet initié par le Député Steve Mbikayi en décembre 2013 soit inscrit prochainement à l'ordre du jour.


Steve Mbikayi, Député national du Parti Travailliste du Congo, auteur du projet de loi de décembre 2013. Ce projet a été amélioré suite à la demande du Parlement. Il pourrait être discuté au cours de la session plénière actuelle (Mars-mai 2015)

La crainte serait de voir un jour cette loi  être  mise en  application sur le territoire congolais. Elle  remettrait en cause pas mal d'actions menées jusqu'ici pour l'intégration des personnes issues des minorités sexuelles au sein de la société, notamment dans le cadre de la lutte contre le VIH.  Elle serait aussi une entrave aux Droits Humains car légalement l'homosexualité sera un délit.   Déjà victimes d'une forte stigmatisation, les homosexuels seront exposés à toutes sortes de bavures et de violences de la part de la société. D'ailleurs, le projet de loi Mbikayi prévoit, sauf modification, parmi ses 37 articles que toute personne accusée d'homosexualité soit condamnée à une peine de 3 à 5 ans de prison et un million de Francs congolais d'amende (environ 1000$). La sentence est plus lourde pour un transsexuel car sa peine peut aller de 3 à 12 années d'enfermement. Cela  prouve à suffisance que cette loi n'est pas tendre et va largement contribuer à la marginalisation des LGBTI sur toute l’étendue de la RDC. Pour l'auteur de cette fameuse loi, l'homosexualité est une importation de l'occident. Selon lui, c'est un acte qui ne correspond  pas aux valeurs africaines.

La plupart des Députés nationaux sont favorables à ce que le projet de loi de Steve Mbikayi  puissent être inscrit parmi les sujets à débattre au courant de cette session parlementaire.

Pourtant dans une étude réalisée en 2014 par l'américaine Josephine Head, 83% des congolais interrogés ont reconnu que l'homosexualité a toujours existé dans le pays.  Cependant, ils reconnaissent que c'est une chose qui demeure cachée. Seuls 14%  déclarent que l'homosexualité est un nouveau comportement au Congo-Kinshasa. Selon eux, les personnes qui pratiquent cette forme de sexualité veulent imiter les occidentaux. Ils rejoignent l'idée avancée par Steve Mbikayi  qui soutient que les rapports sexuels entre hommes ou femmes ne sont pas propres aux africains. Ils ajoutent aussi que l'homosexualité est un moyen pour les jeunes congolais de se faire de l'argent auprès des riches expatriés. Enfin, cette catégorie pense aussi que les homosexuels sont des occultistes. Cette dernière croyance est la plus répandue parce que c'est la définition même que donnent les églises évangéliques en ce qui concerne la sexualité entre personnes de sexe identique. Vu qu'une forte majorité de la population congolaise fréquente ces églises dites de réveil spirituel, 85% des personnes ayant participé à cette étude considèrent l'homosexualité comme un acte contre nature. A cet effet, 93% des interrogés estiment que cette forme de sexualité devrait être illégale.

93% des congolais estiment que l'homosexualité devrait être illégale.  85% considèrent l'homosexualité comme un acte contre nature. 14% déclarent que c'est un nouveau comportement  sexuel au Congo Kinshasa.  Pour 83% des personnes interrogées, les relations sexuelles entre hommes ou entre femmes ont toujours existé en RDC. Selon eux, elles demeurent cachées.

Victimes de stigmatisation, les homosexuels risquent d'être plus marginalisés si jamais le projet de loi est voté au niveau du parlement. Aux chantages, injures, quolibets, menaces, pressions morales, arrestations arbitraires vont s'ajouter d'autres violations plus graves.

A voir le pourcentage des personnes hostiles à l'homosexualité, on peut facilement comprendre qu'une loi anti homosexuel pourrait facilement passer au Parlement.  Les politiciens véreux  voient peut-être en cette loi un moyen de détourner la population congolaise de ses véritables revendications sociales à l'approche des élections. Ce cas est similaire à l' Ouganda et au Cameroun où l'homophobie a largement été favorisée par les politiciens et les évangélistes. Déjà en octobre 2010, à l'aube des élections 2011, le Député évangéliste Ejiba Yamapia avait déposé un projet de loi similaire à celui de Steve Mbikayi à l'Assemblée nationale congolaise. Pour faire passer son projet, il avait mobilisé sa base électorale composée majoritairement des fidèles de son église. Jugée recevable, cette proposition qui n'a jamais été retenue à l'ordre du jour stipulait parmi ces articles que l'homosexualité devait être classée dans le code pénal comme un acte contre nature  avec la zoophilie. La sanction prévue pour un tel acte était de 3 à 5 ans d'emprisonnement et 20.000 francs congolais d'amende soit environ 200 $. Le projet Ejiba prévoyait également de bannir toutes les associations de défense des LGBTI, les publications et les affiches faisant la promotion des actes sexuels considérés comme non conforme à la moralité locale.

Pour rappel, depuis quelques années, la République démocratique du Congo voit des projets de loi contre l'homosexualité être présentés au sein des institutions. En 2009, un projet de ce genre a été proposé à l 'Assemblée provinciale de la ville de Kinshasa par son bureau d'études. Il n'a jamais  été retenu dans le calendrier des sujets à débattre au  cours des plénières. La même année, une loi contre l'adoption des enfants par des homosexuels est passée au niveau du Parlement. Il faut souligner que les minorités sexuels en RDC sont couramment victimes de chantages, des insultes, des quolibets, des pressions morales, d'arrestations arbitraires orchestrées par la police en complicité parfois avec des personnes mal intentionnées, etc. La criminalisation de l'homosexualité comme le veulent certains élus du peuple va amplifier une homophobie qui est déjà assez présente dans la société congolaise. Les auteurs de ces projets de loi oublie que le pays est signataire de certaines conventions internationales qu'il doit respecter dans le cadre des Droits de l'Homme.


 Article rédigé par Justice Walu


  • Documentation: Arcus Foundation, rapport 2014 par Josephine Head




dimanche 15 mars 2015

Droit à la santé et militantisme LGBTI en RDC



Le Droit à la santé et le militantisme LGBTI sont deux éléments essentiels qui doivent être associés pour la réussite de l’intégration des minorités sexuelles dans la société. Bien que la plupart des États en Afrique se montrent hostile envers l’homosexualité, ils sont signataires de certains engagements internationaux qui prônent le respect du Droit à la santé. 


La République démocratique du Congo  figure parmi  ces pays qui ont signé la charte africaine des  Droit de l’Homme et des peuples dont les clauses incluent le Droit à la santé. De plus, ce vaste État d’Afrique centrale  applique 6 conventions spécifiques sur les Droits Humains. Parmi elles, il y a le pacte international sur les Droits économiques, sociaux et culturels. Les dispositions de ce pacte soutiennent notamment le Droit à la santé.

Les personnes issues des minorités sexuelles sont parmi les catégories sociales vulnérables et marginalisées

Selon L’organisation Mondiale de la Santé (OMS), le Droit à la santé est un droit fondamental de tout être humain de posséder le meilleur état de santé qu’il est susceptible d’atteindre. Ce Droit suppose de pouvoir accéder en temps opportun à des soins acceptables, abordables et de qualité approprié. Pourtant, comme l'avance l'OMS, Les dépenses de santé mettent chaque année dans le monde, environ 150 millions de personnes en situation financière catastrophique et en font passer 100 millions en dessous du seuil de pauvreté. Pour que le Droit à la santé soit une réalité, les États doivent créer des conditions permettant à  chacun de jouir du meilleur état de santé possible. L'organisation internationale précise que le Droit à la santé n'est pas le droit d'être en bonne santé. Selon elle, les problèmes de santé touchent généralement de façon disproportionnée les catégories sociales vulnérables et marginalisées.  Cette déclaration démontre que les minorités sexuelles font aussi partie des catégories susmentionnées car  elles ne jouissent pas comme il se doit de ce droit. Victimes d’une forte stigmatisation, ils n’ont pas accès facilement au soin dans la plupart des pays du globe. 

Selon l'organisation non gouvernementale congolaise  Progrès Santé Sans Prix (PSSP), le taux de prévalence du VIH reste très élevé au sein de la communauté homosexuelle en RDC. Cette dernière fait partie des personnes LGBTI dont le chiffre global au Congo-Kinshasa  était estimé en 2011 à 427.000 individus soit 0,04% de la population . La loi numéro 08/011 datant du 14 juillet 2008 portant protection des personnes vivant avec VIH/Sida et des personnes affectées inclue dans son chapitre 2, article 2, alinéa 5 les homosexuels comme faisant partie du groupe vulnérable. Depuis, 2014, les personnes issues des minorités sexuelles sont classées comme populations clés dans le cadre de la lutte contre le Sida.  Malheureusement, les associations qui militent pour la défense des LGBTI dans ce pays ne perçoivent pas des fonds appropriés pour faire face aux besoins existant sur terrain.  Pourtant, chaque individu doit avoir accès aux soins adaptés pour assurer son bien-être dans la société. Ce bien-être est à la fois physique et mental. Ainsi donc, même sur le point de l'orientation sexuelle, la Droit à la santé doit être assurée afin de garantir l’épanouissement d’une personne.

Le taux de prévalence du VIH reste très élevé au sein de la communauté homosexuelle. La population LGBTI représente 427.000 individus soit 0,04% de la population de la RDC. Les Hommes ayant des rapports sexuels avec les Hommes sont les plus touchés par la discrimination en ce qui concerne l'accès aux soins.


Avec le chiffre mentionné ci-haut, il n’est plus un secret pour personne que l’homosexualité existe bel et bien en RDC.  Pour preuve, un élan de militantisme semble envahir la communauté LGBTI au point que des groupes associatifs ne cessent de se former pour défendre la cause des minorités sexuelles face à certaines formes de transgressions des Droits Humains dont elles sont victimes. D'après la cartographie actuelle, il existe 8 associations militantes LGBTI à Kinshasa, 2 dans le Nord-Kivu, 2 dans le Sud-Kivu, 1 dans la Province Orientale et 1 dans le Bas-Congo. Elles n'ont certes pas toutes une autorisation légale pour fonctionner mais elles essayent de s'activer pour défendre la cause des gays, des lesbiennes, des bisexuels, des transgenres et des inter-sexes. La récente intégration d'une plate-forme regroupant les Hommes ayant des rapports sexuels avec les Hommes (HSH) au sein de la société civile de la ville province de Kinshasa  est le résultat des efforts  fournis par ces associations.

83 % de l'ensemble de la population LGBTI recensée en RDC vit dans le secret.

Cependant, l'hostilité qu'affiche une grande partie de la population envers les minorités sexuelles et le manque d'une politique adéquate en matière d'accès aux soins  retardent l’évolution des choses. Partant du fait que tout Droit dépend de l’autre, la violation d’une loi touche les autres actes.  Cela constitue un frein à l’atteinte des objectifs visant à assurer le bien-être et l’épanouissement de chacun.  Parmi les contraintes touchant à la promotion du Droit à la santé en RDC en ce qui concernent les homosexuels, on peut citer : 

-La stigmatisation et la discrimination  des LGBTI, en général et des Hommes ayant des rapports sexuels avec des Hommes (HSH), en particulier : Cette situation complique sérieusement  l’accès au soin pour les HSH. Ils sont contraints de vivre leurs relations dans la clandestinité ce qui amplifie les risques de contamination aux MST et au VIH. Selon une étude faite en 2014 par Josephine Head,  les homosexuels ayant des problèmes de santé suite aux pratiques liés à leur orientation sexuelle sont ridiculisés par les personnels soignants. Ils ne sont parfois pas traités ou ils subissent des critiques méchantes. Ce comportement est fortement à la base de la stigmatisation qui pousse les gays et les bisexuels, en particuliers, à éviter les hôpitaux en  cas d'infections sexuelles. Il faut noter que 83% de l'ensemble de la population LGBTI  recensée vit dans le secret. Le taux de prévalence du VIH au sein de ce groupe était  de  plus de 30% l'année dernière.

- Le manque de prise en compte sur la liste des médicaments essentiels des gels lubrifiants à base d’eau et des préservatifs : Il est très difficile de s’approvisionner en gel lubrifiant en RDC car l’État ne prend pas en compte ce produit qui est pourtant considéré comme un médicament par l’OMS. De ce fait,  les dépôts pharmaceutiques ne les commandent pas. Donc, la vente de ce produit en pharmacie est extrêmement rare. Les quelques pharmaciens qui en vendent, le font à un prix qui n’est pas à la portée de toutes les bourses. Par contre les préservatifs sont plus accessibles car ils sont commercialisés dans la majorité des pharmacies et autres endroits. Ceci peut s'expliquer par le fait que le préservatif est plus considéré comme un contraceptif dans les rapports hétérosexuels.

- La plupart des associations de lutte contre les MST et le VIH/Sida n'ont pas comme spécificité la défense des personnes issues des minorités sexuelles. Elles sont focalisées sur divers domaine englobant la santé. Néanmoins, elles constituent des vraies alliées pour la communauté LGBTI.

Face à cette situation, le législateur doit veiller à ce que les lois en vigueur en matière des Droits à la santé puissent être appliquées afin d'assurer la convivialité sociale. Malgré que la loi congolaise est neutre en ce qui concerne l'homosexualité cela ne doit pas être une raison pour ne pas prendre en considération les problèmes que rencontrent les personnes issues des minorités sexuelles, en général et en particulier les HSH. Un dialogue franc doit être entretenu entre la société civile et les autorités du pays afin de garantir et de faciliter l'accès au soin à cette population vulnérable.





Sources: OMS, PSSP, Femmes Plus, Si Jeunesse Savait.
Documents:

Effecting Culture Change around Attitudes to LGBTQ Communities in the Democratic Republic of Congo:
Scoping Mission to Kinshasa, 1-11th June 2014 by Josephine Head




Justice Walu